Port-Gentil, le 20 octobre 2025

Le Gabon est en mouvement. Depuis le 30 août 2023, le pays s’est engagé sur la voie du renouveau. Les chantiers fleurissent, les projets d’infrastructures se multiplient, et dans de nombreuses provinces, la promesse du changement se matérialise peu à peu.

Mais à l’ouest, entre lagunes et océan, une province semble restée en marge de cette dynamique : l’Ogooué-Maritime.

𝐔𝐧 𝐩𝐨𝐮𝐦𝐨𝐧 é𝐜𝐨𝐧𝐨𝐦𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐚𝐮 𝐫𝐚𝐥𝐞𝐧𝐭𝐢

C’est un paradoxe national.

Berceau du pétrole Gabonais, l’Ogooué-Maritime a longtemps porté l’économie du pays sur ses épaules.

Et pourtant, un an après le début du nouveau cycle politique, aucun projet structurant n’a vu le jour dans cette région stratégique.

À Port-Gentil, capitale économique, la population commence à s’interroger. « On parle de développement, mais chez nous, on ne voit rien. Pas de routes, pas d’usines, pas d’investissements. Juste des drapeaux géants », lance Marius, un jeune entrepreneur du quartier Matanda.

Son ton est amer, mais son constat lucide : la deuxième ville du pays peine à trouver sa place dans la relance nationale.

À Omboué, la cité lagunaire attend toujours la réhabilitation de sa route. À Gamba, l’ancien joyau pétrolier semble s’éteindre lentement depuis le départ d’Assala en 2017.

Les activités économiques ont chuté, les infrastructures vieillissent, et les jeunes partent, faute d’espoir.

𝐃𝐞𝐬 𝐫𝐨𝐮𝐭𝐞𝐬 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐎𝐲𝐞𝐦, 𝐥𝐞 𝐬𝐢𝐥𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐏𝐨𝐫𝐭-𝐆𝐞𝐧𝐭𝐢𝐥

C’est sans doute l’exemple le plus frappant du déséquilibre territorial actuel :

le Ministère du Pétrole, dont dépend une grande partie de la richesse nationale, finance actuellement la construction de 250 kilomètres de routes bitumées à Oyem, dans le Woleu-Ntem.

Un projet majeur, certes louable, mais qui suscite l’incompréhension dans les provinces productrices.

« Comment expliquer qu’on construise des routes pétrolières dans une région où il n’y a pas de pétrole, alors que Port-Gentil et Gamba, qui génèrent ces ressources, restent enclavées »?, s’indigne d’un cadre pétrolier à la retraite.

Pour beaucoup, le symbole est fort : un ministère dirigé par un fils du Grand Nord qui investit prioritairement dans sa zone d’origine, pendant que le Sud-Ouest, berceau de l’or noir, attend encore ses routes et ses ponts.

𝐍𝐝𝐨𝐮𝐠𝐨𝐮, 𝐥𝐞 𝐠𝐫𝐞𝐧𝐢𝐞𝐫 𝐨𝐮𝐛𝐥𝐢é

Au-delà du pétrole, l’Ogooué-Maritime recèle d’autres richesses, notamment dans le département de Ndougou, véritable terre nourricière.

Ici, les sols fertiles et le climat favorable pourraient permettre de nourrir toute la province et même contribuer à l’autosuffisance alimentaire du pays.

Mais pour cela, encore faudrait-il pouvoir acheminer les produits agricoles vers les marchés.

Les pistes sont impraticables, les routes inexistantes, et les agriculteurs désespérés.

« On perd nos récoltes faute de transport. Ce n’est pas la terre qui manque, c’est la route », confie Rose, cultivatrice à Mayonami, les yeux humides.

Redonner vie à la route Port-Gentil–Ndougou, ou créer une liaison bitumée stable entre les zones agricoles et la lagune Nkomi, serait un acte fort et juste, capable de transformer durablement l’économie locale.

𝐋𝐞𝐬 é𝐥𝐢𝐭𝐞𝐬 𝐥𝐨𝐜𝐚𝐥𝐞𝐬 𝐢𝐧𝐭𝐞𝐫𝐩𝐞𝐥𝐥é𝐞𝐬

Ce sentiment d’abandon est d’autant plus douloureux que l’Ogooué-Maritime compte de nombreux fils et filles au gouvernement et dans les institutions nationales.

Mais sur le terrain, la population peine à percevoir leur influence.

« Nous ne voulons pas des discours, mais des actes. Les promesses, on en a assez ! Qu’ils viennent voir comment on vit ici », soupire un enseignant d’Omboué.

𝐏𝐨𝐮𝐫 𝐮𝐧 𝐝é𝐯𝐞𝐥𝐨𝐩𝐩𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 é𝐪𝐮𝐢𝐥𝐢𝐛𝐫é

L’enjeu dépasse la seule Ogooué-Maritime.

Il touche à une question plus vaste : celle de la justice territoriale.

Le développement du Gabon ne peut se construire durablement en laissant à la traîne la province qui a financé son essor pendant plus d’un demi-siècle.

Redonner souffle à Port-Gentil, désenclaver Omboué, rouvrir Gamba, ouvrir la route vers Ndougou, ce serait redonner au Gabon son équilibre naturel entre nord et sud, mer et terre, pétrole et agriculture.

L’Ogooué-Maritime n’attend pas des faveurs.

Elle demande simplement la reconnaissance de sa contribution et la place qu’elle mérite dans le projet de reconstruction nationale.