
Une jeune fille de 18 ans a trouvรฉ la mort par suicide au quartier Itonda, dans le 3แต arrondissement de la commune de Port-Gentil, il y a environ trois semaines.
La nouvelle avait plongรฉ le quartier dans la consternation, au regard de la froideur de lโacte posรฉ. Mais, selon de nombreux tรฉmoignages, ce geste dรฉsespรฉrรฉ aurait รฉtรฉ motivรฉ par la maltraitance que subissait la victime que nous appellerons A de la part de son pรจre, de nationalitรฉ malienne.
Trรจs intelligente et studieuse, A avait obtenu son baccalaurรฉat en 2023. Ambitieuse, elle envisageait, avec le soutien de son pรจre, de poursuivre ses รฉtudes dans une universitรฉ ou une รฉcole supรฉrieure. Celui-ci en avait les moyens.
Cependant, elle ignorait que ses aspirations allaient ร lโencontre des projets que son pรจre nourrissait pour elle. ยซ Son pรจre ne voulait pas quโelle poursuive ses รฉtudes. Pour lui, elle devait rester la gรฉrante de sa quincaillerie ยป, a confiรฉ un tรฉmoin.
Selon cet interlocuteur, le pรจre de A est arrivรฉ au Gabon il y a plusieurs dรฉcennies, il ne savait ni lire ni รฉcrire. ยซ Son seul objectif รฉtait de se faire de lโargent. Comme sa fille sโรฉtait rรฉvรฉlรฉe trรจs intelligente, il lui avait confiรฉ la gestion de son รฉtablissement. Mais malgrรฉ cela, il la maltraitait beaucoup ยป, raconte-t-il.
En effet, A subissait des violences physiques et psychologiques. Son pรจre, selon plusieurs sources, ยซ nโhรฉsitait pas ร lโaccuser de vol lorsquโil avait lui-mรชme mal rangรฉ. Il criait sur elle devant le monde. Il lui est mรชme arrivรฉ de la frapper en public ยป.
Cโest donc dans cet environnement toxique et malsain quโa grandi la jeune fille, essuyant humiliations et frustrations sous le regard impuissant de ses mรจres, elles aussi victimes de violences conjugales, semble-t-il.
Le jour du drame, A se trouvait dans la chambre. Elle aurait รฉtรฉ surprise par sa petite sลur, tenant un verre dโeau dans lequel elle venait de verser un produit mortel : du ยซ Rat Stop ยป. Interrogรฉe par sa cadette sur ce quโelle comptait faire de ce mรฉlange, A aurait simplement levรฉ les yeux vers elle, avant de laisser รฉchapper des larmes de ses yeux.
Alertรฉes, les mรจres se seraient prรฉcipitรฉes dans la chambre, mais il รฉtait dรฉjร trop tard : A avait avalรฉ le poison. Quelques instants plus tard, elle se serait mise ร se tordre de douleur. Ce n’est que plus tard que son pรจre se serait rรฉsolu ร la conduire ร lโhรดpital oรน les infirmiers nโauraient fait que constater son dรฉcรจs.
Interpellรฉ puis relรขchรฉ, le pรจre aurait dรฉclarรฉ aux autoritรฉs que sa fille avait soustrait une somme de 600 000 F CFA de son compte bancaire. Selon lui, A aurait dโabord affirmรฉ vouloir utiliser cet argent pour payer ses รฉtudes, avant quโil ne dรฉcouvre, aprรจs enquรชte, que c’รฉtait plutรดt pour entretenir son petit ami.
Une version des faits qui, selon les habitants dโItonda, ne correspond pas ร la personnalitรฉ de la dรฉfunte. ยซ Elle allait prendre lโargent lร comment ? Cโest du mensonge ! Elle รฉtait toujours derriรจre le comptoir de la quincaillerie de son pรจre. ร quel moment mรชme elle allait avoir un copain ? ยป, sโinterroge un riverain, pour qui cette histoire de vol a รฉtรฉ montรฉe de toutes piรจces.
Dans le cadre de son enquรชte, OMI nโa pas pu avoir accรจs au nom de la banque ni ร la preuve du retrait effectuรฉ par A.
Pour certains habitants, la briรจvetรฉ de la garde ร vue du pรจre, et surtout la rapiditรฉ avec laquelle il a obtenu lโautorisation dโinhumer, laissent penser que sa version des faits a รฉtรฉ acceptรฉe par les autoritรฉs. Or, dโaprรจs dโautres, une vรฉritable enquรชte aurait dรป รชtre diligentรฉe pour รฉclaircir les circonstances exactes de la mort de A.
La jeune fille aurait laissรฉ une lettre ร l’intรฉrieur de laquelle elle explique son geste. Le courrier a-t-il รฉtรฉ remis aux autoritรฉs ? La question reste posรฉe.
Pour certains, la jeune fille, dรฉsespรฉrรฉe, aurait dรฉcidรฉ de mettre un terme ร ses jours aprรจs avoir rรฉalisรฉ que, non seulement, elle ne pourrait pas poursuivre ses รฉtudes comme elle le souhaitait, mais aussi quโelle continuerait ร subir la maltraitance de son pรจre.
Quoi quโil en soit, le drame de A vient de remettre sur la table, d’une part, la facilitรฉ avec laquelle certains dossiers sont classรฉs par les autoritรฉs, et d’autres part, la problรฉmatique de la maltraitance des enfants, souvent rรฉduits au silence dans de nombreux foyers. Une rรฉalitรฉ encore trรจs prรฉsente, dans les foyers musulmans, confie Ibrahim, ยซย et, les femmes, bien que maltraitรฉes elles aussi, sont complices par leur silenceย ยป.












